Un texte de Jo Witek
Adapter, créer ensemble la partition orale, sonore et visuelle d’un texte
La création d’une lecture orale de son texte, c’est d’abord un travail à la table avec un crayon à papier. Revenir au roman. L’adapter. Couper. Le laisser respirer au-delà du livre.
Commencer avec les partenaires (illustrateurs, musiciens, vidéastes…) à partir de cette partition textuelle à imaginer le canevas général, l’atmosphère de la lecture. C’est travailler ensemble à ce temps d’oralité. On ne peut pas créer une lecture sans être ensemble et penser à l’autre. Au spectateur. Créer une lecture scénique c’est contrairement à l’acte d’écriture, un travail collectif. C’est pourquoi il faut trouver du temps, un lieu, des financements. On a souvent l’idée de l’auteur qui lit un extrait de son ouvrage comme ça entre deux échanges avec le public. Une lecture créative ce n’est pas cela. C’est plus. C’est une petite forme théâtrale. On donne à entendre une mise en voix, en espace. La musique se joue des mots. Le silence s’invite. Le corps est engagé. L’auteur n’est plus celui qui cherche les mots mais le réceptacle de ces mots du passé qu’il a autrefois écrits et qu’il se propose de donner à entendre autrement, de façon vivante et réinventée. En direct. Comme s’il redécouvrait son travail. Comme si le texte ne lui appartenait plus, ce qui est le cas. Il se fait interprète. Une distance est nécessaire. Il en va sans doute de la même façon pour un illustrateur. Il ne s’agit pas de refaire un album en live, mais de proposer des variations autour de ses images. Tous les auteurs illustrateurs ne sont pas partants ni capables de porter à la scène leur travail. Au plateau lecture, nous avons tous eu ce désir, soit parce que nous venions du spectacle vivant, soit parce que nous avions envie de scène, d’oralité, d’exploration, de performances au-delà de nos métiers de solitaires immobiles.
Pour que ces petites formes existent, il faut donc un partenaire financier, une municipalité, une communauté de communes, d’agglomération, un théâtre, un réseau de médiathèques, un festival, les départements, les régions, l’État. La lecture scénique pourra alors être créée puis diffusée. Là aussi, il faudra que les partenaires existent pour aider les auteurs illustrateurs à la diffusion. Il faut comprendre que de « donner » une lecture demande une organisation, un accueil technique, un agenda avec les autres artistes et qu’il est plus facile de programmer une lecture sous forme de petites tournées sur un territoire que de la jouer une fois ici, une fois-là entrecoupée de plusieurs mois. L’auteur-illustrateur même s’il aime la scène n’est ni un artiste du spectacle vivant ni un producteur-tourneur et reprendre une lecture, la répéter, l’organiser exige de lui beaucoup de temps et d’énergie.
La lecture scénique est une belle façon d’ouvrir une rencontre avec le public de littérature de jeunesse. Elle peut offrir une alternative à la rencontre scolaire classique. D’ailleurs après une lecture, les jeunes, les enfants ont souvent des questions beaucoup plus ciblées sur la création, le fond, la forme, les sujets. C’est à réfléchir. A réinventer ensemble. L’oralité d’un livre donne l’envie de lire. C’est évident. Cette écoute partagée en salle est une invitation à la lecture pour soi.